La lune est une femme

Publié le par desmotsdudimanche

Le langage est une vision du monde. Un découpage de la réalité. C’est avec nos mots que nous la faisons vivre, que nous lui donnons sens. On ne parle pas des choses que l’on ne peut nommer, c’est pourquoi on a presque tout nommé, et que rarement, on se retrouve à dire « je n’ai pas les mots ». On a appris à penser par les mots. Pas de pensées sans mots, ou si peu, juste des sensations. Pourtant, nous ne partageons pas tous les mêmes mots. 5000 langues  pour 7 milliards d’humains.  Et autant de réalités que de langues.


Par exemple, ce qui n’est pour moi que de la neige, est pour,  un Inuit, une infinité de possibilités, selon que cette matière blanche soit plus ou moins humide, plus ou moins fraîche.
Le mouton, qui reste le même pour les français, qu’il broute dans les prés ou se retrouve dans son assiette, passe de « sheep » à « mutton » en anglais, comme si on avait voulu signifier, dans cette langue, qu’un être vivant change d’identité quand il devient un aliment comestible. Même chose pour le poisson espagnol qui passe de « pez » quand il nage tranquillement dans la mer avec ses amis  à « pescado » quand il arrive mariné pour finir dans notre ventre.

 

Une langue n’est jamais parfaitement traduite, la traduction enlève cette part de réalité différente, les connotations, les implicites, les nuances. Comme si vous dessiniez le monde sur un papier calque et que, en déplaçant ce calque sur la réalité d’une autre langue, les traits n’étaient pas superposés, juste un peu décalés.


J’aime la langue française parce qu’elle parle à tous nos sens, on l’entend comme une mélodie susurrée, à peine audible, il faut tendre l’oreille.  A nos yeux elle se fait changeante, difficilement accessible.  A nos lèvres on la dompte, pour un temps la déguster avant de la laisser s’échapper. Le français comme une langue qui évolue, qui se décline en fonction des nombreux pays où elle est parlée. Une langue usée pour communiquer mais pas seulement, aussi pour décrire cette réalité que nous interprétons, au fur et à mesure que nous en parlons.


C’était  un soir, il y a quelques jours, je sortais de chez moi, il faisait nuit. J’ai levé les yeux pour regarder  le ciel, très clair. C’était la pleine lune.

J’aime me décentrer de ma langue, de ma culture, je dois m’entrainer à le faire chaque jour dans mon métier, me mettre à la place des autres, prendre d’autres yeux pour voir que tout est relatif, même la réalité. Pour me dire que je ne détiens pas la vérité, pas facile avec ma nature égocentrique.
Et la, devant la lune, j’ai essayé mais je n’ai pas réussi. Je me suis mise les lunettes anglo-saxonnes, qui font que le monde n’est pas divisé en deux, pas de féminins contre les masculins. Mais non, je n’ai pas réussi, à me dire autre chose que : la lune est une femme.


La lune est une femme parce qu’elle nous éclaire, sans éblouir, discrète mais toujours là, rassurante. C’est la lune qui rougit quand on la regarde en face mais nous qui brûlons quand nous voulons regarder le soleil en face. Le soleil est un homme, fort, dangereux, qui se couche quand il a trop travaillé, qui nous fait tellement, ressentir son absence.  La lune  est influente, sur les marées, les humeurs, les cycles de la femme. La lune est magnétique, mystérieuse, presque….. « Lunatique ». Elle se transforme au crée de ses humeurs, du disque au croissant.
La lune se courtise, tandis que le soleil l’attise.


La lune est une femme ou moi, trop attachée à ma langue.

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M
De la pure poésie... Reste attachée à ta langue, tu la manies si bien!
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C
J'aime beaucoup beaucoup !
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